Un Spicilège

Chien Blanc

J'ai vu Chien Blanc, un excellent film québécois d'Anaïs Barbeau-Lavalette.
Adaptation apparemment assez fidèle du roman autobiographique éponyme de Romain Gary (que je n'ai pas lu), il se passe à l'époque où l'écrivain vivait aux Etats-Unis en tant que Consul Général de France. Alors que les noirs américains sont en pleine lutte pour leurs droits civiques et que Martin Luther King vient d'être assassiné, Romain Gary et sa femme, Jean Seberg, très engagée auprès de la communauté noire, retrouvent devant leur porte un chien égaré qu'ils décident d'adopter. Ils se rendront vite compte que le chien a été dressé par un propriétaire sudiste, l'ayant entraîné à attaquer systématiquement les personnes noires.

Chien Blanc est film très percutant, qui mêle la fiction à beaucoup d'images d'archives de l'époque particulièrement pénibles à regarder tant elles sont violentes. Au milieu de ces thèmes très difficiles à aborder, Denis Ménochet, Kacey Rohl et K.C. Collins (entre autres) livrent une interprétation saisissante de justesse.
Impossible de ne pas être bouleversé par l'humanisme qui se dégage du personnage de Romain Gary, par ses colères, par ses doutes, par le désespoir de celui de Jean Seberg, par la sagesse de celui de Keys. Impossible aussi de retenir sa détresse devant l'absurdité de cette situation, devant ces fureurs légitimes. Impossible également de ne pas tomber en amour de ce chien, symbole des égarements humains, à la présence attendrissante.

Chien Blanc est une œuvre à la réalisation particulièrement soignée. Les plans sont travaillés et la musique les accompagne parfaitement. Certaines scènes prennent vraiment aux tripes, la réalisatrice jouant avec les regards caméra pour impliquer le spectateur au cœur du drame qui se joue. Le message est clair, criant de vérité.

Je ne sais pas si la réalisatrice a vraiment fait honneur au texte que Gary que je ne connais pas, mais elle met à l'honneur l'homme, assurément.


Chien Blanc | Anaïs Barbeau-Lavalette | 2022

Rocky, dernier rivage

J'étais très curieuse de lire Rocky, dernier rivage, tant l'accroche me paraissait prometteuse.
Dans un monde semblant post-apocalyptique, 5 ans après une catastrophe ayant apparemment décimé l'humanité, nous découvrons le quotidien aliéné d'une famille fortunée réfugiée depuis le début des événements sur une île privée et vivant en vase clos depuis lors...
Quel sens donner à sa vie quand tout est prévu pour assurer une survie sans effort, mais sans la moindre interaction autre que familiale ? Comment se construire en tant qu'adulte quand on est un adolescent loin de toute vie, élevé en visionnant des films et des séries parlant d'un monde qui n'existe plus ? Comment ne pas perdre la raison, coincés à vie sur une île avec des personnes qu'on finit par détester ? Quelle hiérarchie peut encore être possible quand la civilisation n'est plus ?

Toutes ces interrogations, et bien d'autres, sont brillamment développées dans ce roman de Thomas Gunzig. À partir d'une situation initiale aussi limpide qu'impeccable, il développe rigoureusement la psychologie de ses personnages tout en alimentant l'univers de son récit par de très judicieux flash-back. Véritable huis-clos, Rocky, dernier rivage tient en effet l'essentiel de ses qualités à l'écriture de ses protagonistes. Thomas Gunzig ne fait en effet pas dans la dentelle, nous présentant des individus, certes archétypaux, mais qui semblent pourtant peu éloignés de la réalité. Les adolescents, surtout, sont présentés avec des névroses qui les rendent parfaitement crédibles et qui nous accrochent à leur devenir. Il y a en effet quelque chose de l'ordre de la catastrophe imminente dans l'atmosphère qui se dégage à la lecture tant cette indolence forcée ne semble pouvoir mener que vers un précipice.

Une seule chose est à déplorer dans ce roman : une fin qui ne m'a pas semblé à la hauteur des enjeux : un peu précipitée, un peu évidente. Elle ne gâche pas toutes les qualités du récit, mais laisse un petit goût de déconvenue.
Cela ne m'empêche pas, cependant, de recommander chaudement la lecture de Rocky, dernier rivage, qui reste réussi sur bien des points.


Rocky, dernier rivage | Thomas Gunzig | Au Diable Vauvert

L'assassin habite au 21

En feuilletant les premières pages de cet ouvrage, trouvé en occasion, j'ai découvert que ce grand classique paru en 1939, adapté avec succès au cinéma par Henri-George Clouzot en 1942 et dont l'intrigue prend part au cœur de Londres a été écrit par un auteur belge, Stanislas-André Steeman. Auteur prolifique s'il en est, puisqu'il signe une quarantaine de romans policiers, dont une douzaine ont été adaptés au cinéma (citons Le dernier des six, L'ennemi sans visage ou Quai des orfèvres, entre autres).

En me plongeant dans cette lecture, sans doute également influencée par mes souvenirs de la collection mythique du Masque, c'est bien dans un très efficace “Whodunit” que je me suis retrouvée avec délectation.
Tout y est : de la mise en place de l'énigme à l'enquête semée de fausses pistes et de rebondissements, jusqu'aux révélations finales, aussi inattendues (enfin, je m'en doutais un peu tout de même) que théâtrales.
L'auteur lui-même insiste sur cet aspect des choses dans un aparté explicite dans lequel il invite les lecteurs à trouver la solution avant qu'elle ne soit donnée.

J'ai pris un plaisir fou à me lancer dans cette histoire réjouissante, qui m'a rappelé tant de joies de lecture de jeunesse, quand je dévorais ce type de roman, conseillée par ma grand-mère.
L'assassin habite au 21 ne vole pas sa réputation : sa construction est exemplaire, ses personnages sont percutants et le style d'écriture, très sûr et direct, en fait une lecture saisissante.

Un véritable refuge nostalgique, qui fait du bien.


L'assassin habite au 21 | Stanislas-André Steeman | Librairie des Champs Élysées

Le temps d'un souffle, je m'attarde

Je ne remercierai jamais assez les éditions Le passager clandestin pour leur prodigieuse collection Dyschroniques, dirigée par Dominique Bellec, dont je suis férue. Elle permet en effet de (re)découvrir d'anciennes nouvelles d'anticipation, écrites par des grands noms de l'imaginaire, s'interrogeant sur l'avenir de l'humanité. Ce fameux écrin m'a permis de découvrir un texte que j'ignorais de cet auteur si cher à mon cœur qu'est Roger Zelazny.
Parue en 1966, au début de sa carrière, Le temps d'un souffle, je m'attarde narre l'histoire d'une intelligence artificielle, Gel, chargée, dans un avenir lointain de veiller sur une Terre sur laquelle l'humanité n'est plus qu'un lointain souvenir. Pris d'intérêt pour les créations humaines, fasciné par la complexité qui se dégage de ces artefacts, Gel se met en tête de devenir lui-même humain, et se lance pour cela dans une quête de connaissance et de sens.

Le temps d'un souffle, je m'attarde est une nouvelle aussi douce que son titre le laisse penser. On y retrouve déjà les thèmes qui seront au cœur des textes de l'auteur tout au long de sa carrière : les luttes de pouvoir, et surtout l'humanité, l'immortalité. Cependant, ces derniers thèmes sont dans cette nouvelle abordés selon un prisme différent de ceux que j'ai eu l'habitude de lire. En effet, si on retrouve souvent dans ses écrits des histoires d'homme accédant à l'omniscience ou à l'immortalité, il est question ici de l'inverse : une IA, presque omnisciente et immortelle, cherche à trouver son humanité.

D'une poésie folle et empreint d'une nostalgie certaine, Le temps d'un souffle, je m'attarde est un récit fort, qui questionne ce qui fait l'essence même de l'humain ; un mélange de récit d'aventure, d'apprentissage et de conte philosophique. L'écriture, particulièrement empathique, fait que l'on s'attache très rapidement à ce drôle de personnage principal, dont la quête pleine de sens fait écho à nos propres interrogations.

Un texte qui m'a semblé original dans l'œuvre de Roger Zelazny, prémices de ses futurs grands travaux tout en ayant une singularité propre.


Le temps d'un souffle, je m'attarde | Roger Zelazny | Traduit par Jean Bailhache | Le passager clandestin/dyschroniques

Comment être parfait

Face aux questions éthiques qui jalonnent presque tous les aspects de notre vie, qu'en dit la philosophie morale ? Quels sont les concepts essentiels développés par nos grands penseurs sur ce sujet ? Comment les appliquer à nos situations quotidiennes ?
Michael Schur (qui est apparemment scénariste et showrunner de plusieurs séries télé, dont The Good Place, ce qui, à présent que je le sais, me semble plein de sens) s'attaque à ces sujets épineux et réussi l'exploit de faire de son livre un véritable précis de vulgarisation philosophique, bien loin du manuel de développement personnel avec lequel j'avais très peur de me retrouver.

Pour chaque chapitre, il part d'une situation du quotidien parfois courante, parfois loufoque, parfois profonde (Dois-je dire à mon amie que je trouve sa robe hideuse ? Puis-je frapper mon ami sans raison ? Puis-je lire le livre d'un auteur raciste ?) et introduit les concepts clés d'un courant de la philosophie morale : l'utilitarisme de Bentham, la déontologie de Kant, l'objectivisme de Rand, et bien d'autres. En passant les différentes situations au prisme de tous ces penseurs, il en tire des conclusions qu'il sera libre au lecteur de suivre ou non.
Il n'est en effet pas question ici de faire une quelconque leçon de morale, mais uniquement de présenter les clés que certains philosophes ont mis à notre disposition.

L'ouvrage aurait pu sembler rébarbatif, ce n'est sans compter sur les talents certains de vulgarisation de Michael Schur et son immense sens de l'humour, qui font de ce livre une parfaite introduction au sujet.


Comment être parfait | Michael Schur | Traduit par Maxime Berrée | Philosophie Magazine Editeur

Le Gaffeur

Merci aux Éditions L'échappée de faire revivre des grands textes de fiction politique souvent oubliés dans leur formidable collection lampe-tempête. Absolument tous les livres de cette collection ont basculé dans ma liste de souhaits. Merci aussi pour le formidable travail de conception faisant en plus de ce roman un objet magnifique.
L'auteur, c'est Jean Malaquais, un juif polonais qui écrira pourtant en français après avoir quitté la Pologne pour la France, en 1925, alors qu'il n'avait que 17 ans. Il sera poussé vers l'écriture par André Gide et gagnera le prix Renaudot en 1939 pour son premier roman, Les Javanais, que j'ai bien l'intention de lire aussi.
Dans Le Gaffeur, il nous conte l'étrange histoire de Javelin, qui, dans une société dystopique, rentre un soir chez lui pour trouver l'appartement qu'il avait quitté le matin apparemment occupé depuis longtemps par des inconnus. Ne parvenant plus à joindre sa femme semblant inaccessible, son identité paraît peu à peu se dissoudre dans les rouages d'une administration absurde, décidée à le faire disparaître sans qu'il ne comprenne pourquoi.

Long plaidoyer contre le totalitarisme, le conformisme, pointant du doigt l'absurdité d'une bureaucratie aveugle et destructrice, ce roman est à la fois ironique et parfaitement terrifiant. La société qui y est dépeinte se fait de plus en plus écrasante, déterminée à faire taire les voix dissonantes, au fur et à mesure de la progression d'un récit qui penche petit à petit vers le drame. Tout y est gris, moche, oppressant. Au milieu de ce sinistre, seuls quelques personnages permettent de sortir de l'ombre.

Les dossiers, une fois en route, circulaient de leur propre chef, mais on n'en connaissait ni la provenance, ni la destination. L'ignorance, au demeurant, était obligatoire; c'est elle qui permettait d'accomplir son travail sans y mêler des sentiments ou des émotions qui en eussent faussé la marche. Il était même défendu de se faire une opinion personnelle, source inévitable de préjugés et de partialité. Le produit, si l'on veut, passait de la fabrication au consommateur sans être pollué. À ce point de vue l'organisation était parfaite, elle assurait le maximum d'hygiène.

Ode à l'anti-conformisme, Le Gaffeur est un récit révolutionnaire de part sa profonde modernité. Un juste miroir des angoisses contemporaines que l'on retrouve déjà impeccablement décrites et dénoncées.
La portée politique du texte est parfaitement mise en valeur par l'appareil critique propre à la collection, le texte de Geneviève Nakach, surtout, qui a soutenu une thèse sur Jean Malaquais, apporte un éclairage passionnant.

Quand un grand roman rencontre l'éditeur parfait pour le mettre en valeur...


Le Gaffeur | Jean Malaquais | L'échappée

Collection lampe-tempête Préface de Sebastian Cortés Postface de Geneviève Nakach

Ma Tempête

Ma Tempête est un livre dont j'ai entendu parler dans une newsletter et dont les thématiques m'ont tout de suite paru intéressantes.
David est un metteur en scène de théâtre qui, alors qu'il se retrouve sans activité à la suite de l'échec de son dernier projet, est dans l'obligation de garder sa fille, la crèche étant en grève. Il se décide donc, lors de cette improbable journée, à lui raconter sa vision de La Tempête de Shakespeare.
Je ne m'attendais pas, cependant, à être autant touchée par ce livre que j'ai trouvé particulièrement juste, vrai, sincère, empli d'inspiration et de passion.

Il brasse en effet beaucoup de thématiques, qui trouvent écho dans l'œuvre de Shakespeare. Le parallèle est rapidement fait entre le metteur en scène David et le magicien Prospero, personnage de La Tempête coincé sur une île avec sa fille et grand manipulateur des différents protagonistes de la pièce. On est d'ailleurs plongé dans la sincère admiration et la connaissance que David a de Shakespeare, aussi bien l'artiste que son œuvre. Cette proximité ira jusqu'à inspirer David et sa femme pour le prénom de leur fille, Miranda, identique à celle de Prospero. Comme lui aussi, David est en échec et en rivalité avec son frère.

Après le drame, il y a la tragédie. Quand on dépasse le drame, on ne souffre plus. La tragédie, c'est la joie. Dans le drame on peut sauver quelque chose, dans la tragédie il n'y a plus d'espoir. C'est au-delà de la douleur : un abandon, un lâcher-prise.

Parallèlement au petit théâtre des hommes, Éric Pessan amorce également une intense réflexion sur l'art, sa nature profonde, sa fonction fondamentale dans la société, son utilité, sa valeur intrinsèque qui s'oppose au besoin toujours plus pressant de rentabilité. Il nous dit tout des difficultés que rencontrent les milieux artistiques, de la précarité d'un statut d'intermittent de plus en plus remis en cause par les institutions car devenu encombrant.

On ne peut pas aimer l'art et les artistes sans être touché par Ma Tempête, par sa poésie infinie et sa vérité sans filtre. Parfait équilibre entre ce qui nous fait rêver, réfléchir, évoluer dans l'art, et ce qui le rend aussi fragile, nous convaincant de l'obligation qui est la nôtre de le soutenir et de le protéger.


Ma Tempête | Éric Pessan | Aux Forges de Vulcain

Le dernier théorème de Fermat

La théorie des nombres, cette discipline mathématique qui s'intéresse aux propriétés des nombres, a quelque chose de fascinant. Je peux très facilement me perdre dans les méandres des contenus qui lui sont consacrés, sans doute car c'est l'une des branches des mathématiques qui semblent les plus accessibles aux non-mathématiciens, ses énoncés et ses théorèmes étant relativement faciles à comprendre.
Le dernier théorème de Fermat, par exemple qui occupe la place centrale de ce livre, s'énonce facilement :

Il n'existe pas de nombres entiers strictement positifs x, y et z tels que :
xn+yn=zn
dès que n est un entier strictement supérieur à 2.

Pour qui se rappelle vaguement de Pythagore, cela semble familier et un profane imaginerait sans doute que cela ne doit pas être bien compliqué à démontrer. Pourtant, sa résolution occupera les mathématiciens (certains jusqu'à l'obsession) pendant plus de 3 siècles.
C'est ce qui nous est brillamment conté par Simon Singh dans ce livre palpitant. On y retrouve tout ce qui ferait le sel d'une enquête policière : des indices, des hypothèses, des fausses pistes, des revirements de situations... Une histoire passionnante, parsemée de portraits des grands noms des mathématiques ayant travaillé sur le sujet.
J'ai lu nombre de livres de vulgarisation, d'histoire ou d'épistémologie autour des mathématiques, mais aucun n'a réussi à ce point à me faire entrevoir la portée de la recherche mathématique. Son but, son importance, ses mécanismes. Le Dernier Théorème de Fermat est une plongée captivante dans ses coulisses, doublée d'une formidable histoire de l'évolution de la discipline. Il est vertigineux de se rendre compte des conséquences et implications de ce simple théorème et impossible de ne pas être admirative de ceux qui ont fait évoluer sa compréhension.
Simon Singh parvient sans effort à rendre tous ces sujets digestes, et, même s'il faut évidemment une certaine appétence pour le sujet, le livre est particulièrement accessible.
Sa lecture constitue un authentique apprentissage, non sans être un véritable plaisir.


Le dernier théorème de Fermat | Simon Singh | Traduit par Gérald Messadié | Collection Pluriel

Délivrance De Délivrance, je connaissais déjà l'adaptation cinématographique, signée John Boorman, une vraie, grande et belle claque cinématographique comme j'en ai rarement eu, comme souvent quand on regarde un film aussi puissant très jeune.
J'ai d'ailleurs eu l'occasion il y a quelques mois de le revoir sur grand écran, moi qui n'avais jamais eu cette chance (je vous en parle ici).
C'est à ce moment que j'ai appris que le film était l'adaptation d'un roman signé James Dickey, auteur qui semble avoir insinué à l'époque auprès de l'équipe de tournage que tout ce qui y était relaté lui était réellement arrivé.

Des propos particulièrement choquants quand on connaît un minimum l'histoire de cette descente de rivière en canoë presque improvisée par 4 citadins à la recherche de sensations authentiques qui tournera tout bonnement au cauchemar quand ils seront confrontés à la rudesse des éléments et de la population locale.

J'étais à la fois curieuse et remplie d'appréhension quand il s'est agi de découvrir la façon dont certaines scènes avaient été pensées par l'auteur (la scène du banjo, la scène de l'escalade et puis... LA scène...). C'est avec surprise que je me suis rendue compte que l'adaptation était finalement particulièrement fidèle à ce roman d'une force inouïe.
J'y ai tout retrouvé : la sensation d'enfermement émanant de la profondeur des gorges, la puissance et le chaos qui se dégagent de cette rivière sauvage, la terreur, la paranoïa...
L'écriture de James Dickey a une force évocatrice rare. Chaque ligne est imprégnée de la puissante image des paysages, de l'odeur entêtante de la végétation, du bruit parfois envoûtant, parfois effroyable de l'eau qui s'écoule.
Dans cette atmosphère humide et étouffante, il développe une terrible intrigue, dont le suspense maîtrisé nous entraîne peu à peu vers l'épouvante, questionnant sans cesse la psychologie de ses héros, qui sont tous d'une ambiguïté dérangeante.
Summum du roman survivaliste, Délivrance nous entraîne à la frontière de l'humanité, quand la morale cède à l'instinct.

Sa lecture fut asphyxiante et terriblement marquante.


Délivrance | James Dickey | Traduit par Jacques Mailhos | Éditions Gallmeister

La Vieille Anglaise et le continent

Superbe bande dessinée adaptée d'un court roman (d'une longue nouvelle ?) de Jeanne-A Debats, La vieille anglaise et le continent est une ode à la nature, à l'activisme, au féminisme et bien plus encore...
La vieille anglaise en question, c'est Ann Kelvin, une militante écologiste qui, alors qu'elle est au seuil de sa vie, accepte la proposition de l'un de ses anciens élèves : transférer son esprit dans le corps d'un cachalot, pour pouvoir agir une dernière fois en faveur des animaux marins victimes de trafic.

L'immensité des océans qui servent de décor à cette histoire est le pendant de l'immensité des thèmes sociétaux abordés dans l'intrigue, avec finesse et réflexion. On sent immédiatement à quel point tous ces sujets tiennent au cœur de l'auteur. Ceci complète parfaitement l'immense poésie et la délicatesse certaine qui baignent l'ensemble du récit, parfaitement sublimées par la mise en images somptueuse de Stefano Martino.

Un album tout en élégance, au sens profond et source de belles réflexions.


La Vieille Anglaise et le continent | Scénario de Valérie Mangin | Dessins de Stefano Martino | Éditions Drakoo