Le froid
Il fait froid, j'ai froid tout le temps. Alors oui, cette fin septembre et ce début d'octobre ont été plutôt frisquets, même pour ma moyenne montagne à vaches. Et cette grande maison qui m'avait bien protégée de la canicule devient facilement froide quand les températures extérieures ne montent pas au-delà de 10°C. Au boulot, ce n'est pas mieux. Mon espace de travail ne voit le soleil, quand il y en a, qu'au tout début de la matinée, pas suffisant pour réchauffer cette grande pièce, pourtant vitrée.
Alors je vis avec des couches de vêtements, des polaires, des foulards, des chaussettes chaudes, des étoles. Je bois des litres d'eau chaude, cramponnée à mon mug pour essayer de réchauffer mes doigts. Je ne pars plus me coucher sous mon toit sans une bouillotte et le matin, j'ai craqué et allumé quelques fois le soufflant d'appoint dans la salle de bains à 6h, au moment d'enlever mon pyjama ou la cheminée le week-end pour pouvoir traîner un peu à la table du petit-déjeuner.
J'ai froid tout le temps, moi qui ne craignais pas ça il y a encore quelques années, qui aimais même cette sensation de morsure fraiche sur la peau parce qu'elle me faisait sentir vivante. J'ai froid et je n'arrive plus à me réchauffer.
C'est sans doute parce qu'au delà de la température extérieure, j'ai aussi froid à l'intérieur de moi. Je me sens gelée, glacée, un peu comme les mains de mon amoureux lorsque je les ai touchées pour la dernière fois, dans la chambre funéraire. Et j'ai l'impression que je n'aurai plus jamais chaud dans mon coeur, mon soleil est parti et il a emporté avec lui ses rayons, sa douceur et sa chaleur.
La colère qui ne me quitte plus, alimentée depuis plus d'une semaine par une nouvelle couche quotidienne de raisons d'être furieuse, cette colère pourrait me tenir chaud mais ce n'est pas le sentiment que j'en ai. Elle m'échauffe les sangs jusqu'à frôler la catastrophe par moments (dans mes rapports avec les autres) mais paradoxalement, je suis toujours glacée à l'intérieur.
Alors je pleure. Je pleure de désarroi, de tristesse, de colère, d'impuissance, de chagrin, d'injustice, de mépris, je pleure d'être invisible, d'être seule, de ne plus recevoir d'amour, je pleure tout le temps parce que je ne sais plus quoi faire d'autre. Je pleure en me levant et en me couchant, je pleure avant de partir au boulot et en rentrant aussi, je pleure en route parfois, aussi, je pleure en faisant mes courses, je pleure au yoga en lâchant prise, je pleure en faisant mes exercices chez le kiné, je pleure en lisant, en mangeant, en écoutant de la musique, en regardant le ciel au coucher du soleil. Et j'attends que cela passe, si toutefois cela passe mais bien sûr que cela va passer.
J'ai froid. Je survis mais j'ai froid. Vraiment froid. Et l'hiver n'a pas commencé...